Mes impressions à l'excursion aux Abruzzes, selon différentes parties du corps:
    - Mes yeux: c'était beau de voir les visages de ces 11 autres camarades de voyage qui
    s'émerveillaient comme moi devant les dizaines de cerfs peu farouches. Mes iris s'écarquillaient en
    les voyant partager, curieux et sans paraître, leurs humbles questionnements ou débats («Je vois
    deux ours là-bas!» - «Oui, c'est effectivement deux majestueux rochers noirs»!).
    - Mes jambes: L'excursion en montagne vers les chamois m'a fait tant de bien !
    - Mon cerveau: J'ai adoré pouvoir poser sans relâche des questions au grand sachant Jean-Marie
    Ouary. Comme un enfant à l'école buissonnière j'ai appris (bien malgré mon passé d'écologue du
    paysage) de nombreuses choses sur les traces, crottes, gîtes, chants ou langages, alimentations,
    techniques de défense/chasse et sur l'écologie général de plusieurs mammifères et rapaces rares.
    - Mes intestins: Eh, mister Cerveau, je n'en pouvais plus d'ingurgiter tes petit-déjeuners bourratifs
    aux multiples gâteaux et tes dîners où, en plus des 2 plats copieux, je me ramassais tous les bouts de
    viande que tu chipais aux commensaux rassasiés !! C'est la persévérance à l'affût qui te faisaient
    stagner dans l'AVOIR (aux repas comme à l’affût) et dans le SAVOIR plutôt que d’y vivre l'ETRE
    et le RESSENTIR?
    - Mes papilles gustatives : Quel régal ces baies d'Alisiers et ces cynorhodons récoltés tous les jours
    pour rebooster le taux de vitamines et d’antioxydants !
    - Mon nez : les chatouillements de l'air frais sur mes narines au petit matin invitaient à la méditation
    en pleine conscience. Et quelle était bonne cette odeur d'humus et de tapis de feuilles multicolores
    sous les magnifiques hêtraies! Le tout embaumé parfois d’odeurs de poiles de patous ou d'animaux
    sauvages!
    - Mes oreilles et mon coeur: Cette semaine, j’ai entendu vibrer de belles âmes, peut-être encore
    inconscientes de leur beauté… Avec comme chefs de choeur Chantale et Jean-Marie. Et comme
    flûtiste, une Elfe des falaises aux sons médiévaux. J'ai aussi apprécié pouvoir rire de mes
    imperfections, face aux bonnes vannes amicales, et de pouvoir rire, au-delà du jugement, des autres
    clowns de service. Dans cette douce ambiance collégiale et dans la rencontre avec le naturel, je
    sentais parfois grandir autour de moi une chose inhumaine. Loin des bavardages, du fréquent brame
    du cerf et des concerts du vent: le SILENCE de la vie. On avait beau prêter l’oreille, on n’entendait
    RIEN de ce TOUT. Pas même un Venturon montagnard ou un torrent au loin. Ni même les
    clochettes du charme-houblon. Rien, le vide, le néant. Comme si la Vie sur Terre n’était pas encore
    créée… ou n’était plus. Cessation de l’ETRE... qui paradoxalement donne l’impression de vivre
    pleinement. Mais pour retrouver le plaisir et la sécurité entre humains, une voix revenait vite
    arborer le silence, du style : «Attendez-moi, Jean-Marie, je t’apporte un caca de renard mais suis
    pas sûre », et à notre géographe de répondre : «Et voilà, Uber-crotte revient !»
    - Ma calvitie: pendant une semaine, mon âme s'est adoucie dans la perspective de voir une fois mon
    cuir non chevelu se couvrir des décors enivrants de montagnes sauvages abruzziennes... avec leurs
    tapis de feuillus en robe d'été indien, leurs guirlandes de pins et genévriers, leurs murailles grises,
    tous riches en biodiversité... Je m’imaginais abriter dans ma nouvelle chevelure quelques secrets de
    ces forêts et paysages de savane tempérée entretenues depuis des centenaires par les herbivores
    seuls. Milles et uns souvenirs passant du macro au micro, de la présence de la Vie à celle de la
    Mort. Je sentais comment mousses et lichens abruzziens peignaient mon crâne dénudé, d’un
    pinceau lent et minutieux, en jaune vif, en gris sur gris, en dégradés de verts. Les jumelles de
    naturalistes français et les oiseaux italiens percevaient-ils comment ma chevelure imaginaire
    pouvait nourrir le vivant en miniature? à la façon des lichens dans les falaises: des myriades
    d’insectes et micro-organismes y trouvant refuge?
    Merci à vous tous pour cette belle semaine, chers acteurs du vivant
Olivier

 
    

